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Pertes supérieures à 50 % du capital : le point sur les nouvelles formalités à effectuer


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Si les pertes cumulées de votre société sont devenues supérieures à 50 % de son capital, vous êtes tenu(e) de procéder à plusieurs formalités : AGE, annonce légale, dépôt au greffe, réduction du capital, etc. Toutefois, ces formalités ayant été en partie modifiées l'année dernière, un nouveau point s'impose…


CA C'ÉTAIT AVANT…

Que ce soit pour les SARL/EURL, les SAS/SASU ou les SA, le code de commerce prévoyait jusqu'ici que dans le cas où les capitaux propres de ces sociétés devenaient inférieurs à la moitié de leur capital social, les associés devaient se réunir dans les 4 mois suivant la constatation de cette perte pour décider de dissoudre ou non la société et, en cas de non dissolution, la société avait 2 ans pour remédier à cette situation, faute de quoi tout intéressé était en droit de demander sa dissolution en justice.


Cette sanction radicale – la dissolution judiciaire à la demande de tout intéressé – était particulièrement sévère et même très rare en droit des sociétés. Elle se justifiait à l'origine par le fait que, à l'époque où elle avait été instituée (il y a plus de 50 ans !), le capital social représentait réellement le gage des créanciers de la société.

Or, même si ceci est encore vrai aujourd'hui pour les sociétés qui disposent d'un capital conséquent, il n'en reste pas moins que l'obligation de posséder un capital minimum, en particulier pour les SARL, ayant été supprimée depuis 20 ans déjà (loi Dutreil de 2003), l'argument est beaucoup moins pertinent et la sanction apparaît donc nettement disproportionnée.


Et non seulement cela, mais cette sanction radicale constituait même une "surtransposition" de la réglementation européenne puisque celle-ci est beaucoup moins exigeante. Elle impose seulement en effet qu'en cas de perte grave du capital souscrit, l'assemblée générale de la société doit être convoquée afin d'examiner, s'il y a lieu, soit de dissoudre la société, soit d'adopter… toute autre mesure.


Par ce « toute autre mesure », une marge d'appréciation importante est donc laissée aux différents Etats et ceux-ci ne se sont d'ailleurs pas privés d'adopter des mesures plus souples que celles en vigueur chez nous.

En Italie par exemple, la loi laisse aux organes dirigeants la possibilité de choisir entre la dissolution de la société ou l'adoption d'autres mesures (apurement du passif, transformation de la société).


Mieux encore : l'Allemagne, le Royaume Uni (avant sa sortie de l'Union européenne) ou les Pays-Bas, ne mentionnent même pas le cas de dissolution anticipée.


En tout état de cause, dans aucun autre Etat que la France, la perte grave du capital ne débouche sur une dissolution forcée de la société en l'absence de reconstitution de ses capitaux propres.


Les entreprises françaises étaient donc particulièrement pénalisées par rapport à leurs concurrentes européennes.

A fortiori depuis la crise du Covid-19 qui a gravement atteint les capitaux propres de bon nombre de sociétés, en particulier des TPE et des PME.


LA NOUVELLE RÉGLEMENTATION


Parue au Journal Officiel du 10 mars 2023, une loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne est venue assouplir notablement les dispositions ci-dessus.


Certes il faut toujours, comme auparavant, réunir les associés dans les 4 mois suivant l'approbation des comptes ayant fait apparaître les pertes, afin qu'ils décident s'il y a lieu ou non de procéder à la dissolution anticipée de la société et le non respect de cette formalité est toujours sanctionné par une possibilité de dissolution de la société à la demande de tout intéressé.


Par ailleurs, en cas de non dissolution, la société a toujours 2 ans pour remédier à sa situation. Mais ce qui change par contre, c'est que, si au terme de ces deux ans les capitaux propres n'ont pas été reconstitués au moins à hauteur de la moitié du capital, la possibilité pour tout intéressé de demander la dissolution de la société en justice est supprimée et remplacée par l'obligation pour les associés d'apurer les pertes par une réduction du capital social jusqu'à un certain minimum.


Si cette réduction est faite dans les 2 ans qui suivent, alors il n'y a plus de sanction de dissolution, même si elle n'a pas eu pour effet de porter les capitaux propres à un montant égal ou supérieur à la moitié du capital social.

Il ne s'agit donc plus d'une dissolution forcée de la société, mais d'une réduction forcée de son capital.


La question restait toutefois de savoir quel est ce capital minimum. Or un décret paru au Journal Officiel du 26 juillet 2023 l'a fixé à « 1 % du total du bilan de la société, constaté lors de la dernière clôture d'exercice » (article R.223-37 du code de commerce).


Désormais donc, les nouvelles formalités à respecter par les SARL/EURL et les SAS/SASU lorsque leurs capitaux propres deviennent inférieurs à 50 % de leur capital social peuvent être résumées comme suit :


ETAPE PAR ÉTAPE, VOICI LA NOUVELLE PROCÉDURE À RESPECTER LORSQUE LES CAPITAUX PROPRES SONT DEVENUS À INFÉRIEURS À 50 % DU CAPITAL


  • Si, du fait de pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social, le Gérant est tenu, dans les 4 mois qui suivent l'approbation des comptes ayant fait apparaître cette perte, de réunir les associés en assemblée générale afin qu'ils décident s'il y a lieu ou pas de procéder à une dissolution anticipée de la société. Cette décision doit être prise à la majorité exigée pour la modification des statuts (celle-ci étant mentionnée dans vos statuts).


  • Attention : à défaut pour le gérant de réunir l'assemblée ci-dessus dans les délais, ou si les associés n'ont pu délibérer valablement, tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société. Toutefois, le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser sa situation et il ne peut prononcer la dissolution si, au jour où il statue sur le fond, cette régularisation a eu lieu.


  • Dans le mois qui suit l'assemblée, la résolution adoptée par les associés au sujet de cette dissolution doit être communiquée au public via une annonce légale et le PV d'assemblée des associés doit être déposé au greffe via le guichet unique (pour des modèles, voir notre fiche pratique).


  • Ensuite, si les associés ont décidé de ne pas dissoudre la société , celle-ci est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue (soit le 31 décembre 2025 pour un exercice clos le 31 décembre 2023) : - soit de reconstituer ses capitaux propres à concurrence d'une valeur au moins égale à la moitié du capital social. Cela peut se faire via la réalisation d'un bénéfice suffisant ou via une augmentation de capital par exemple ; - soit de réduire son capital du montant nécessaire pour que la valeur des capitaux propres soit au moins égale à la moitié de son montant.


  • Ensuite, si les capitaux propres de la société n'ont pas été reconstitués à cette échéance, à concurrence d'une valeur au moins égale à la moitié du capital social, alors que le capital social de la société est supérieur à 1 % du total de son bilan constaté à la clôture du dernier exercice, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant cette échéance (soit pour le 31 décembre 2027 dans notre exemple), de réduire son capital social pour le ramener à une valeur inférieure ou égale à ce seuil de 1 % du total du bilan.


  • Exemple : le total du bilan d'une société s'élève à 200.000 € et le total cumulé des pertes au 31 décembre 2023 s'élève à 4.000 €, alors que la capital de la société s'élève à 5.000 €. Les pertes sont donc supérieures à 50 % du capital. Pr hypothèse, l'approbation des comptes a eu lieu le 30 juin 2024. Les associés ont donc jusqu'au 31 octobre 2024 (4 mois) pour se prononcer sur la dissolution. S'ils renoncent à la dissolution, ils ont jusqu'au 31 décembre 2025 (deux ans à partir de la clôture de l'exercice) pour reconstituer les capitaux propres. A défaut d'avoir procédé à cette reconstitution à cette échéance, ils ont jusqu'au 31 décembre 2027 pour absorber une partie des pertes en réduisant le capital de 5.000 € à 1% du total du bilan, soit 2.000 €. Les pertes seront ainsi ramenées à 4.000 - 3.000 = 1.000 €.


  • Attention : à défaut de réduire le capital à une valeur inférieure ou égale à 1 % du total du bilan dans le délai de 4 ans, tout intéressé peut là encore demander en justice la dissolution de la société. Toutefois, le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser sa situation et il ne peut prononcer la dissolution si, au jour où il statue sur le fond, cette régularisation a eu lieu. Par ailleurs, cette obligation de réduire le capital à 1 % du total du bilan ne s'applique pas si le capital est déjà inférieur à ce montant.


  • Enfin, si cette réduction du capital n'a pas permis de faire repasser les capitaux propres au-dessus de la barre fatidique des 50 % du capital social, et si la société réalise une augmentation de capital ultérieure (ce n'est pas une obligation), elle doit, à nouveau réduire son capital jusqu'au seuil minimal de 1 % de son bilan, et elle dispose pour ce faire d'un nouveau délai de deux exercices suivant celui de l'augmentation de capital.


  • NB : ces dispositions ne sont pas applicables aux sociétés en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou qui bénéficient d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

 
 
 

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